Sombre

Il est important de préciser que le monde dans lequel se déroule cette histoire ressemble en de nombreux points au notre, mais il s'agit bien d'un monde différent. Toute ressemblance avec des personnages réels ou imaginés par d'autres est totalement fortuite.

Sombre

La porte s'ouvre sur le pas pointu des talons de la directrice ce qui met aussitôt fin aux bavardages qui parsèment le cours de maths de ce "cher monsieur Marlisse" qui prend le temps de finir sa phrase au tableau avant de se tourner vers sa supérieure tout en s'époussetant les mains sur son pantalon blanchi par la poussière de craie qui s'y est déjà accumulée.
Lorsque apparait dans l'encadrement de la porte un jeune homme d'environ un mètre soixante-dix, cheveux noirs mi-longs, traits fins, regard pâle, le professeur fronce ses épais sourcils, il ne s'attendait pas à un nouvel élève. Alors que la proviseure se lance dans une présentation, le mathématicien se perd dans un enchevêtrement de pensées. C'est à peine si il entend le nom du nouveau venu : Sombre Eymard.
L'accueil se fait dans un silence de mort, finalement, après quelques secondes la proviseure se décide à partir ponctuant chaque instant du son caractéristique de ses chaussures.
Sans se soucier du professeur, le nouvel élève va s'asseoir à une des rares places libres de la salle. Alors qu'il sort ses affaires le cours reprend et avec lui le brouhaha des élèves peu intéressés. Ondine observe son nouveau voisin de table. Elle se concentre un moment pour essayer de déchiffrer une émotion sur ce visage fermé mais elle n'y arrive pas. Seul le va-et-vient incessant des yeux vers le tableau perturbe l'image sereine de cette figure angélique. La seule autre partie du corps qui bouge est le poignet, créant des lettres et des chiffres aux courbes gracieuses sur la feuille à petits carreaux. Chaque mouvement est fluide, rond, calculé. Jamais un geste ne pourrait égaler la beauté de celui-ci en cet instant.

La sonnerie de la fin de l'heure retentit tirant hors de sa contemplation Ondine. Que s'est-il passé ? Le cours ? Son esprit embrouillé s'affole en comprenant qu'elle a passé une heure à détailler son voisin. Et si quelqu'un l'a vue ? Qu'est ce qu'on va penser ?
Alors que les questions s'enchainent inlassablement dans son esprit, elle commence à ranger ses affaires. Au moment où elle soulève son classeur, quatre ou cinq feuilles non accrochées glissent sur la table, elle en reconnait rapidement la calligraphie, c'est celle qu'elle a admiré pendant un certain temps il y a quelques minutes à peine. Elle les met précipitamment dans son classeur et range ce dernier dans son sac bleu ciel. Tout en le jetant sur son épaule elle lance un léger "au revoir" au professeur.
Il est là, dans le couloir, adossé au mur, le sac à ses pieds. Elle ne peut pas simplement faire semblant de l'ignorer, alors elle s'avance vers lui et, accompagnant ses paroles d'un petit geste de la main, lui dit :
-Merci pour le cours
-De rien, lâche-t-il, du bout des lèvres. On a quoi après ?
-Tu m'as attendue juste pour ça ?
Un sourire se dessine sur les lèvres d'Ondine, qu'est-ce qu'il lui arrive ?
-Je ne trouvais pas cela poli de laisser quelqu'un seul.
Ondine baisse le regard un instant tout en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille. Puis elle repense à la question que son camarade lui a posé juste avant. Avec un grand soulagement elle donne la réponse, elle n'aimait pas le tournant que prenait la conversation.
-On a un cours de littérature, pendant deux heures, après on va manger.
Tout en donnant l'emploi du temps la jeune fille a commencé à marcher dans le couloir fortement éclairé par une gigantesque baie vitrée. La lumière du soleil, pâle, met en valeur l'aspect irisé des cheveux qui entourent son visage tels des cataractes d'eau claire. Ses yeux d'un bleu profond sont tournés vers Sombre qu'elle détaille encore du regard. Pour briser le lourd silence qui s'est installé entre eux, Ondine essaye de se renseigner sur son camarade.
-Alors, où sont tes parents ?
-Ils doivent se trouver dans un pays obscur de la communauté orientale. La Paracovie, il me semble...
-Ils t'ont laissé seul ?
-Non. Je m'occupe de ma petite sœur, elle est encore au collège, juste à côté.
-C'était le mien ! s'écrie Ondine un sourire se dessinant sur ses lèvres.
-Tu fais subir ce genre d'interrogatoire à tous les nouveaux élèves ? questionne Sombre tout en tournant la tête vers son interlocutrice.
-Non...Juste ceux qui me recopient les cours, ajoute-t-elle avec un immense sourire que ne semble pas partager l’intéressé.
Voyant ses amies au bout du couloir, Ondine presse le pas, distançant aisément le nouveau, bien vite oublié. Cependant son souvenir revient à la charge en même temps que les questions posées à propos de ce qu'"il" a fait ou ce qu'"il" a dit. Ondine lance un "mais rien !" de protestation visiblement un peu énervée. Le sujet de la conversation dérive alors timidement sur le nouveau film avec Beck Lunder : Parchemin de lumière. D'ailleurs il passe ce soir en avant-première au cinéma, si elles y allaient ? Et on pourrait aussi inviter le nouveau, histoire de l'intégrer. A peine est-il passé à côté du groupe qu'une fille aux longs cheveux blonds l'apostrophe et s'avance vers lui de son allure altière :
-Salut, ce soir on va au cinéma, on s'est dit que ce serait sympa si tu nous accompagnais. C'est ok ?
-Pourquoi pas, après tout je n'ai rien à faire d'autre ce soir.
-On se retrouve à neuf heures trente devant le Véga alors.
Elle retourne sans autre forme de politesse dans le groupe qui commence à entrer dans la salle de cours sous le regard perçant des yeux gris du professeur. Ce dernier arrête Sombre au moment où il va entrer :
-Tu ne fais pas partie de cette classe toi !
-Je suis nouveau, lui répond une voix monocorde.
Bien que surpris par la façon de parler de ce nouvel élève, le professeur se tait tout en le laissant entrer. Lorsque la porte se referme les bavardages qui avaient commencé se taisent. Le professeur avance lentement vers son bureau, laissant chacun de ses pas résonner. Il s'empare de la feuille d'appel et égraine un à un les noms de la classe. Il note les deux absents (Sara Neytelma et Henki Lo ) puis pose son stylo tout en annonçant de sa voix grave le titre de la leçon du jour : "La Herse Noire, un roman de la quinzième ère".
-Je vous avais demandé de lire ce grand classique. Pour m'assurer que vous l'avez bien fait je vous ai préparé un petit test.
Un léger murmure désapprobateur parcoure la salle, mais il est vite éteint par le regard froid du professeur, sujets en main. Une fois devant Sombre il lui tend un sujet tout en lui demandant sèchement de remplir ce qu'il pourra, l'élève jette seulement un coup d’œil rapide et commence à noircir sa feuille de son écriture gracieuse. Le regard inquisiteur du professeur ne s'attarde pas longtemps sur lui et finalement, il continue de distribuer les sujets avant de retourner à son bureau, l'air attentif, jetant des regards vers chaque élève.
Quelques instants plus tard, une chaise racle le sol, il détache les yeux de son livre. Évidemment, le nouveau, Eymard si il ne se trompe pas, a fini en premier. Il ne sera pas trop sévère avec lui étant donné qu'il n'a probablement pas lu le livre. Tout en prenant la copie, il met habilement le marque-page de l'autre main. Il pose ce qu'il était en train de lire sur son bureau, rajuste ses lunettes, fait vaguement un signe à l'élève pour qu'il aille se rasseoir et se plonge dans les méandres des boucles fluides inscrites sur la feuille. Chose inattendu, ce nouveau est un lettré, pas comme les autres incapables. Il a lu cette œuvre et a répondu juste à chaque question, avec des précisions dignes de n'importe quelle personne expérimentée. Reprenant un peu ses esprits, il jette un coup d’œil à sa montre pour remarquer que le temps imparti pour l'interrogation touche bientôt à sa fin. Toujours armé de sa voix froide et sèche il annonce la fin imminente de l'interrogation.

Les conversations vont bon train dans la file d'attente. Est-ce que ce film sera aussi bon ? C. Neasti a-t-il réussi une œuvre d'aussi bonne qualité que ses précédents films ?
Bien loin des considérations artistiques de ce genre, Sara entremêle ses cheveux autour de ses doigts. Elle aimerait passer la nuit à regarder des films, bons ou nuls, incompréhensibles ou simplets...cela importe peu, le principal serait de l'occuper. Là, elle attend, il est bientôt 9h15. Ses amies sont en retard. Le froid commence à lui mordre les mains. Elle les enfonce dans ses manches et se frotte les épaules, en vain, elle a beau s'activer le plus possible elle reste frigorifiée. Brusquement, elle frissonne, cependant, elle a l'étrange impression que ce n'est pas le froid. Ce serait plutôt une personne qui a les yeux braqués sur son dos. Elle se retourne doucement, étape par étape, comme si un mal de dos la poussait à agir robotiquement. Une fois entièrement retournée elle remarque un jeune homme, droit, aux cheveux noirs qui la regarde fixement, il profite de l'avoir face à lui pour lui adresser la parole avec une voix plate :
- Voulez-vous que je vous prête ma veste ? Vous semblez avoir très froid.
Liant le geste à la parole, le jeune homme commence à se défaire de son manteau pour le tendre à la jeune fille qui le regarde alors avec suspicion. L'épais manteau lie-de-vin semble confortable, et avant tout, chaud.

Avec un regard insistant, Sara détaille la personne qui vient d'avoir une marque de tendresse, ou plutôt de pitié, à son égard. C'est un jeune homme du même âge qu'elle au visage fin, lisse et harmonieux. L’ensemble de son être parait respirer le calme notable des gens sûrs d'eux. Ne voyant en cela rien de suspect, elle accepte la lourde veste qui pend devant elle et la jette sur ses épaules sans même prendre la peine d'enfiler les manches. Ce n'est qu'une fois recouverte qu'elle lance un timide "merci" à l'adresse du garçon à présent en chemise dans l'atmosphère froide de la soirée, aucun frisson ne parcoure son dos malgré la température qui chute, mais Sara ne peut s'empêcher de se sentir gênée. Elle lui a pris son manteau, il fait froid. Enfin il lui a donné, donc c'est que ça ne doit pas le déranger, mais elle pourrait au moins faire plus que le remercier. Elle se tourne vers le garçon et lui demande dans un murmure :
-Tu fais quoi dans la vie ?
-Lycéen, en dernière année.
-Ah ! Moi aussi ! Où ? demande-t-elle avec une voix un peu plus assurée.
-Ginma.
-Je vais au même lycée !
-Sara Neytelma...
Le nom sort dans ce qui pourrait ressembler à un soupir accompagné d'un nuage de buée. En entendant son nom la fille fronce les sourcils et fait la moue :
-Comment tu connais mon nom ?
-Il y a une seule classe de dernière année, une seule fille absente. Si tu es en dernière année et une fille, et que je ne t'ai pas vu ce matin...Il ne reste plus beaucoup de choix.
L'explication aussi froide que logique calme légèrement son interlocutrice. Elle a même l'air plutôt embarrassée et baisse le regard un instant. Elle en profite pour regarder l'heure à son poignet : 9 : 23. Les autres devraient bientôt arriver, elles devraient même déjà être là ! Enfin, parler un peu à un inconnu qui sera son futur camarade de classe a fait passer le temps, d'ailleurs, elle ne connait toujours pas son nom.
-Tu t'appelles comment ?
-Sombre...Eymard, ajoute-t-il après un court moment de silence.
-Tu es arrivé quand dans ma classe ?
-Ce matin même. Il me semble que c'est Rose qui m'a invité à aller voir Parchemin de lumière.
Un cri coupe court à la conversation, de nombreuses personnes dans la file se tourne vers le groupe qui est à l'origine de cette agitation. Une dizaine de lycéens avancent et certains font des signes à Sara. Elle y répond avec enthousiasme contrairement à Sombre qui garde ses mains enfoncées dans les poches de son pantalon.

Après des salutations chaleureuses, le bruit lourd du verrou de la porte du cinéma se fait entendre. La foule, toujours aussi bavarde, s'engouffre dans la salle chaude et accueillante où se trouve la caisse, dont le bruit de tintement résonne le long de la corde rouge tendue entre les poteaux dorés qui délimitent la file d'attente. Quelques personnes se détachent de la file pour aller chercher des boissons ou de quoi manger. Les lycéens (dont une majorité de lycéennes) forment un bloc compact dans la foule clairsemée, ils avancent à petits pas au fur et à mesure que les spectateurs prennent leurs tickets.
Les conversations à propos du contrôle de littérature vont bon train, chacun lance insoucieusement ce qu'il pense être juste, certains essayent de comprendre pourquoi les autres ont écrit ça, d'autres veulent à tout prix avoir raison si bien que leurs voix finissent par couvrir celles des autres. Un simple « Hé ! Je vous parle » de Rose suffit à calmer le brouhaha. Elle demande alors à ses camarades le nombre de places qu'elle doit acheter. Alors que plusieurs lycéens comptent en même temps à voix haute rendant le travail encore plus difficile, une silhouette s'approche de la caisse, silencieuse, calme. Elle tend quelques billets à la caissière en demandant précisément quatorze places, une fois les tickets en main, Sombre se tourne et tapote l'épaule de Rose sur laquelle viennent se poser quelques mèches de ses cheveux blonds, elle se retourne et prend les tickets, un peu surprise. Elle les tend à chacun de ses compagnons puis finalement, se tourne vers Sombre tout en sortant son portefeuille :
-On te doit combien chacun ?
-Rien...
-Bon, elle jette un coup d’œil aux tarifs, c'est deux crédits la place, je paye.
-Ne t'en fais pas je peux me le permettre, insiste Sombre en repoussant la main emplie de billets de Rose.
À regret, la jeune fille range lentement les billets dans son portefeuille avant de le remettre dans sa poche. Elle suit la colonne de ses amis qui s'engouffre dans la salle obscure. Chacun prend sa place dans une cacophonie chaotique, certains insistent pour être à côté d'untel tandis que d'autres se tiennent un peu à l'écart. Ce n'est que lorsque le projecteur s'allume que tout le monde s'assied enfin définitivement. Enfoncés dans leurs sièges, les lycéens regarde tranquillement la présentation de l'histoire.
Le film parle de deux tribus qui vivaient dans les montagnes. Afin de garantir la paix et la prospérité, leurs deux chamans s'étaient alliés pour créer un puissant artefact : le parchemin de lumière. Chaque révolution, il changeait de main et passait d'une tribu à l'autre, apportant ainsi aux deux une prospérité équitable et très peu de périodes difficiles. En effet, la tribu possédant le parchemin avait pour devoir de venir en aide à l'autre au cas ou celle-ci éprouverait des difficultés durant la révolution sans l'artefact.
L'histoire à proprement parler du film est celle du destin tragique d'un couple. Évidemment, le parchemin attira un jour la convoitise d'un individu sans scrupules. Il réussit à devenir chef et s'empara du parchemin, il refusa d'aider l'autre clan et en vînt même à le réduire en esclavage. Mais pour son plus grand malheur, sa fille tomba amoureuse d'un de ces esclaves. Elle l'aida à se libérer et à mener une révolte, cependant, leur victoire ne leur rapporta pas le précieux objet. Le roi préféra le détruire avec lui plutôt que de le leur laisser. Alors les deux amants unirent leur sang en deux grands anneaux qui apporteraient gloire, richesse et pouvoir aux deux tribus.

Dehors, le froid est mordant, nombreux sont ceux qui partent de suite, ne laissant derrière eux qu'un nuage de buée s'estompant peu à peu dans l'air. Un groupe reste devant le cinéma. Les deux jumelles attendent leur mère, Sara doit prendre le tram aérien, mais elle préfère rester discuter plutôt que de rentrer chez ses parents, Nicolas habite seulement à deux minutes, et les bras de Rose l'empêchent actuellement de partir.
-J'ai beaucoup aimé ! Le scénario est assez classique mais ça fait un bon drame, affirme Rose.
-C'est une légende occidentale à la base.
-Pardon ?
-La légende raconte la construction de Bromalia et Hemalia, les deux cités jumelles,reprend Sombre. De plus, le roi qui s'empare du parchemin est en vérité l'incarnation du parchemin lui même, qui souhaite par dessus tout regagner sa liberté.
Le silence accompagne sa remarque. Le point central de l'attention semble être la buée qui s'accumule entre les jeunes personnes, un frisson les parcourt puis un coup de klaxon rompt le cercle. Lily et Rose s'en vont après un au revoir chaleureux. Ne voyant plus l'intérêt de rester, Nicolas s'en va à son tour, laissant les deux personnes qui étaient les premières au rendez-vous à nouveau ensemble.
-D'où tu connais tout ça ? Demande Sara
-On peut dire que je suis un passionné, en quelque sorte.
-Passionné par les légendes ?
-Oui. Tout ce qui touche à la mythologie aussi. Je te raccompagne au tram.
Un lourd silence s'installe entre eux alors qu'ils marchent, il perdure jusqu'à ce que le tramway arrive. Là, Sara monte dans la rame qui émet déjà le sifflement aigüe annonçant la fermeture des portes et fait un signe de la main en guise d'au revoir. Ce n'est qu'après un bout de trajet qu'elle se tape subitement la paume de la main contre le front : elle a oublié de lui rendre son manteau ! Enfin il ne l'a pas demandé, mais c'est quand même dérangeant. Elle se demande un instant si elle a un moyen de le contacter, mais aussi tard, alors que c'est bientôt la nuit...Elle ne veut pas le déranger, il ne lui reste plus qu'à le lui rendre en cours demain.

Cela fait trois jours qu'elle hésite. Aujourd'hui, elle va le faire ! Elle peut y arriver. Elle s'avance à petit pas au milieu de la bibliothèque, elle se penche au-dessus de son épaule, par simple curiosité : « Entre faits et légendes » d'un certain Maurice Lamban. Le texte est aussi pompeux que dense, et les images aussi rares que possible, mais elle n'est pas venue pour ça, elle lui tapote l'épaule. Il se retourne en fermant son livre tout en gardant la page avec son index. Dans un murmure qui réussit à peine à passer par dessus les bruissements de pages et le frottements des stylos contre le papier, elle lui demande :
- Tu fais quelque chose ce soir ?
- Non, pourquoi ?
- En fait je pensais qu'on pourrait aller en centre-ville...Pour voir un film, ou un truc comme ça.
- D'accord, on se retrouve où ? Et vers quelle heure ?
- Ben, à l'arrêt Georges Stoudi vers sept heures. Si ça te va, bien sûr.
-Pas de problème, répond l’intéressé avant de retourner à sa lecture.
Elle s'éloigne, les joues rougies par sa demande et le cœur réconforté par sa réussite. Elle l'a fait ! Elle a du mal à y croire. La simple idée qu'un mec comme lui accepte cette demande. C'est un rêve qui se réalise, en mieux, même ! Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre le soir. Elle sent la mélodie de son cœur qui s'accélère rien qu'à y penser.
Elle retourne vers sa table où Rose l'attend. Elle s'assied et sort ses affaires, un petit sourire lui éclairant le visage :
- On doit faire quoi ?
- Des maths...Mais tu n'as pas l'air d'avoir la tête à ça. Tu lui as demandé quoi ?
Le visage d'Ondine se colore d'un seul coup de rouge alors qu'elle balbutie :
- Je lui ai demandé si... si il voulait aller en centre-ville avec moi, ce soir. Et... ben... il a dit oui !
- Attends ! Tu veux dire que tu vas lui demander de sortir avec toi ? Questionne Rose en arborant un air surpris.
- Je pense, oui.
-Ton premier petit-ami, le mec le plus beau du lycée !
- Je te rappelle que tu es casée. Et puis c'est pas le mec le plus beau...répond Ondine en baissant le regard.
- De un, le fait d'être casée ne m'empêche pas de dire si oui ou non un mec est beau, et de deux, ce mec est juste... Trop beau !
- On peut faire les exercices, maintenant ? Demande la jeune fille qui commence à perdre patience face au réservoir de question inépuisable qu'est devenu Rose.
- À quelle heure ?
- Sept heures... Les exercices !
Au fond d'elle, elle aurait voulu mentir, dire qu'elle n'a pas osé lui demander. Mais elle est trop fière de sa réussite pour la cacher, si bien que maintenant, au vu du talent improbable de Rose à colporter le moindre ragot, tout le lycée va le savoir avant même qu'elle ne soit au rendez-vous.